Souvenirs d'Afrique, hippopotames dans le Niger, au Mali

Rencontre avec La ferme malienne, de Laure Cotrait, 2018

Les hippopotames

Je les avais vus depuis le rivage en allant promener la jument au fleuve. Leur troupe batifolait dans le courant de l’eau, j’apercevais les ombres de leurs corps brun rose très agiles dans leur élément, et moi soudain pétrifiée lorsque la jument avait avancé d’un pas et battu l’eau du pied, la tête déliée, gracieuse. J’avais vu plusieurs jeunes du troupeau se tourner alors et s’approcher, remuant leurs oreilles, émergeant les narines avec des bruits d’ébrouements, jeunes curieux de l’alezane qui restait joueuse, pas du tout affolée.

Sans doute avais-je l’esprit en déroute, et mon cheval m’en remontrait, c’était le monde à l’envers, non plus moi qui maternait de la voix et d’une caresse ce grand nerveux, mais lui qui me rassurait en rayonnant de placidité. Et mon cœur fit un bond. La rivière coulait d’ouest en est, elle modelait les bancs de sable où je reprenais mes marques après chaque hiver­nage[1], ses vaguelettes resplendissaient sous la luminosité du matin, les hippos secouaient leurs oreilles et leurs rondeurs entre deux eaux, soufflaient plus lentement, déjouant ma stupeur. Était-ce leur escouade d’accueil, venue voir qui nous étions, tout en indiquant leur territoire ?

La jument et moi avions repris le chemin de l’écurie tranquillement. J’avais raconté notre rencontre à la maison, il y avait des hippos dans le bras du Niger près du village.

à suivre...

 Laure Cotrait, 5 février 2019

[1] La saison des pluies, de juin à septembre.